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La notion de vérité et ses nouveaux défis

Séminaire organisé par Andreas Bikfalvi, du 13 au 18 octobre 2025.

Participants

Andreas BIKFALVI (Institut de la Recherche sur le Cancer  BRIC-INSERM U1312, Université de Bordeaux – Bordeaux, France), Francesco D’ERRICO (De la Préhistoire à l’Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie, PACEA UMR 5199, Université de Bordeaux – Bordeaux, France), Christian GODIN (Retraité – Paris, France), Gloria ORIGGI (Institut Nicod – PARIS, France), Nathalie HEINICH (CNRS-EHESS – Paris, France), Yves GINGRAS (Université du Québec à Monréal (UQAM) – Montréal, Canada), Jean SZLAMOWICZ (Université Bourgogne-Europe – Dijon, France), Thierry MICHON (Biologie du Fruit, Pathologie UMR 1332 Equipe Virologie – Villenave d’Ornon Cedex, France), Jacques HAIECH (Université de strasbourg et université paris cité – Paris, France), Monica MARTINAT (Université Lumière Lyon 2 – Lyon, France), Santiago FAVIERE-PRADO (Institut Jean Nicod – Paris, France), Erwan  LAMY (ESCP Business School – Paris, France), Isabelle DE MECQUENEM (Conseil sages laïcité du ministère de l’Education nationale – Paris, France), Yves LENOIR (Université de Sherbrooke – Sherbrooke (Québec), Canada)

Résumé

Le séminaire du Treilles intitulé « La vérité et ses défis » s’est proposé d’explorer la notion de vérité à travers une pluralité d’approches scientifiques, philosophiques, épistémologiques et sociétales. Réunissant un étudiant en thèse, chercheurs et enseignants, l’objectif était de confronter les différents visages de la vérité, de ses critères de validation à ses implications dans la science, l’enseignement, la politique et l’histoire. Ce résumé détaillé vise à restituer la richesse des débats et à expliciter les principaux axes thématiques qui ont structuré les échanges.

 

 

Abstract

The Treilles seminar entitled “Truth and its Challenges” aimed to explore the notion of truth through a plurality of scientific, philosophical, epistemological and societal approaches. Bringing together a doctoral student, researchers and teachers, the objective was to compare the different faces of truth, from its validation criteria to its implications in science, teaching, politics and history. This detailed summary aims to restore the richness of the debates and to explain the main thematic axes that structured the exchanges.

Définitions et pluralité de la vérité

D’emblée, le séminaire a mis en lumière la multiplicité des définitions de la vérité. Loin de se réduire à uneessence unique, la vérité se décline selon les contextes : elle peut servir à décrire le monde, organiser des théories, guider l’action ou dissiper des paradoxes. Les participants ont ainsi opposé l’idée d’une vérité absolue à celle d’une vérité plurielle, susceptible de varier selon les disciplines ou les époques. Les débats ont permis de distinguer des conceptions classiques, telles que la vérité-correspondance (une proposition est vraie si elle correspond à la réalité), de modèles plus pragmatiques ou constructivistes, qui insistent sur lerôle des communautés scientifiques et des usages sociaux.

Critères de validation et valeur intrinsèque

Un axe majeur des discussions a porté sur les critères permettant de distinguer une vérité. Doit-on considérer la vérité comme le résultat d’une validation, par exemple expérimentale ou logique, ou lui attribuer une valeur intrinsèque, indépendante des procédures de vérification ? Les participants ont interrogé la frontière entre croyance et connaissance, soulignant que la science vise à dépasser la simple croyance par des méthodes rigoureuses de validation. Cependant, certains ont rappelé que la vérité scientifique elle-même reste provisoire, soumise à la révision et à la falsification.

Rôle des valeurs et différences disciplinaires

Le débat s’est ensuite orienté vers le rôle des valeurs dans la détermination de la vérité. L’axiologie, ou science des valeurs, intervient notamment dans le choix des critères de validation : ce qui est considéré comme vrai dans une discipline peut ne pas l’être dans une autre. Par exemple, la littérature ou l’histoire mobilisent des formes de vérité narrative ou interprétative, alors que les sciences dures privilégient la vérité factuelle et expérimentale.

Cette pluralité disciplinaire invite à une réflexion sur la légitimité et les limites des différentes conceptions de la vérité.

Influence politique et politisation de la vérité

L’un des points du séminaire a été l’examen de l’influence du politique sur la vérité. Les participants ont distingué l’influence politique, qui peut orienter la production et la diffusion du savoir, de la politisation de la vérité, où celle-ci devient un enjeu de pouvoir ou de manipulation. Les notions de « vériphiles » (personnes attachées à la recherche de la vérité) et de « vériphobes » (personnes méfiantes ou hostiles à la vérité) ont permis d’explorer les postures individuelles et collectives face à l’absoluité ou la relativité de la vérité. Les débats ont souligné les risques liés à la désinformation, à la manipulation des faits et à la fragilisation du débat démocratique.

Intégrité scientifique et enjeux de l’enseignement

La question de l’intégrité scientifique a été abordée comme un enjeu crucial pour la confiance dans la vérité. Les participants ont discuté des problèmes liés à la fraude, à la falsification des données ou à la pression de la publication, qui peuvent compromettre la fiabilité du savoir produit. L’enseignement joue, dans ce contexte, un rôle clé : il s’agit de transmettre non seulement des connaissances, mais aussi une éthique de la vérité, fondée sur la rigueur, l’honnêteté et l’esprit critique. Le rapport entre enseignement et vérité a été questionné, notamment en ce qui concerne l’influence du politique sur les programmes et la transmission des savoirs.

Récepteurs de la vérité et enjeux de transmission

Les discussions ont également porté sur les « récepteurs » de la vérité, c’est-à-dire les publics auxquels elle est destinée : étudiants, citoyens, chercheurs, enseignants. Les enjeux de transmission sont multiples : ils vont de la vulgarisation scientifique à la lutte contre les « fake news », en passant par la formation à l’esprit critique. Les participants ont souligné l’importance de la pédagogie et de la médiation pour permettre à chacun d’accéder à une compréhension nuancée et informée de la vérité.

Évolution historique de la notion de vérité

Une attention particulière a été portée à l’évolution de la notion de vérité au fil de l’histoire. Les conceptions antiques, médiévales et modernes ont été comparées, faisant apparaître des ruptures et des continuités dans la manière de penser la vérité. Par exemple, la philosophie grecque posait la vérité comme adéquation entre le discours et le réel, tandis que les Lumières ont introduit l’idée de progrès et de perfectibilité de la connaissance. Les débats ont aussi interrogé la place de la vérité dans les sociétés contemporaines, marquées par la pluralité des sources et la rapidité de la circulation de l’information.

Vérité, récit, littérature et science

Le séminaire a exploré les relations entre vérité, récit et littérature. Si la science vise une vérité objective et universelle, le récit littéraire ou historique mobilise des formes de vérité subjective, liées à l’expérience, à l’interprétation ou à l’imaginaire. Les participants ont discuté des frontières entre fiction et réalité, soulignant que la littérature peut, elle aussi, révéler des vérités sur le monde, sur l’humain et sur la société. La science, quant à elle, construit des récits explicatifs, mais doit se prémunir contre la tentation de la fiction.

Statut scientifique de l’histoire

La question du statut scientifique de l’histoire a été aussi abordé. L’histoire partage avec la science le souci de la rigueur et de la vérification des sources, mais elle se distingue par son objet : le passé, qui ne peut être expérimenté. la possibilité de considérer l’histoire comme une science, ou comme une discipline hybride, à la croisée du récit et de l’analyse a été discuté. Les enjeux de vérité, dans ce domaine, concernent la fidélité aux faits, l’interprétation des événements et la construction du sens.

Confiance, réputation et démocratie

La confiance épistémique, c’est-à-dire la confiance accordée aux producteurs et diffuseurs de la vérité, a été reconnue comme un pilier du fonctionnement démocratique. La réputation des institutions (universités, médias, laboratoires) joue un rôle déterminant dans la crédibilité du discours de vérité. Les participants ont discuté des menaces pesant sur cette confiance : montée du complotisme, crise de l’expertise, défiance envers les élites. La démocratie, fondée sur le débat et la pluralité des opinions, exige une vigilance accrue vis-à-vis de la manipulation de la vérité.

Théories philosophiques et usage scientifique de la vérité

Enfin, le séminaire a interrogé l’articulation entre les grandes théories philosophiques de la vérité (correspondance, cohérence, pragmatisme, constructivisme) et l’usage concret du concept dans la pratique scientifique. Les participants ont souligné que chaque théorie apporte des outils complémentaires pour penser la vérité, mais qu’aucune ne saurait prétendre à l’exclusivité. L’absence d’une essence unique de la vérité invite à une approche pluraliste, attentive à la diversité des contextes et des finalités de la recherche.

Conclusion : enjeux contemporains de la vérité

En conclusion, les discussions du séminaire du Treilles ont révélé la complexité et la centralité de la notion de vérité dans la société contemporaine. Face aux défis de la désinformation, de la politisation et de la crise de confiance, il apparaît nécessaire de promouvoir une culture de la vérité, fondée sur l’intégrité, l’esprit critique et la pluralité des approches. La vérité reste un horizon, une exigence et une responsabilité pour la science, l’enseignement, la politique et la citoyenneté.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
ldiebold (27 octobre 2025). La notion de vérité et ses nouveaux défis. Les carnets de la Fondation des Treilles. Consulté le 14 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/151lw