Dans nos archives il y a… l’amour de la Méditerranée
Cet amour est partagé par deux écrivains de nos archives, Albert Flament, que l’on ne présente plus, et Gabriel Audisio, dont nous possédons trois lettres et certaines œuvres en éditions originales avec envois.
Ecrivain et poète Gabriel Audisio est né à Marseille il y a tout juste 125 ans.
Quelque peu oublié aujourd’hui c’est pourtant un jeune homme précoce qui publiera à l’âge de 23 ans un premier recueil de poèmes Hommes au soleil dans lequel on sent déjà poindre son amour de la Méditerranée, ouvrage qui sera, dans la foulée, récompensé par un prix. En 1928, date des lettres autographes en notre possession, il publie son premier roman chez Gallimard, Héliothrope, et quatre ans plus tard c’est à la célèbre maison d’édition des Cahiers du Sud de faire paraître un autre recueil de poésie, Antée.
L’amour de Gabriel Audisio pour la capitale algérienne, et de manière générale pour la Méditerranée, remonte à l’enfance. À l’âge de 10 ans il suit son père qui obtient le poste de directeur de l’opéra d’Alger. Il fréquente alors l’école française mais étudie également l’histoire et la civilisation musulmanes.
Engagé volontaire lors de la Première Guerre mondiale il sera démobilisé en 1919 et occupera de 1921 à 1922 le poste de rédacteur au gouvernement général d’Algérie. Considéré comme le chef de file de « l’école d’Alger », dont l’influence reste encore aujourd’hui prépondérante auprès des écrivains algériens contemporains, il œuvre pour faire reconnaitre la culture arabe et aider au rapprochement entre Orient et Occident.. Homme de « résistance » (y compris pendant la seconde guerre mondiale ce qui lui vaudra d’être arrêté par la Gestapo en 1943), il voit la poésie comme un signe d’espérance. Incarcéré à la prison de Fresnes à la suite de son arrestation, il écrira le récit de son expérience carcérale pour ses camarades de cellule ; ces Feuilles de Fresnes, seront publiées par Les Editions de Minuit en 1945.
Dans ses essais Jeunesse de la Méditerranée (1935), Sel de la mer (1936), et Ulysse ou l’intelligence (1946), il défend une vision universaliste de l’Algérie qui serait l’héritière de nombreuses civilisations. En 1926, il reçoit le Grand Prix littéraire de ce pays pour le roman sur l’immigration « Trois hommes et un minaret », qui est une satire de la vision orientaliste et coloniale française. Il développe alors l’idée de « patrie méditerranéenne » qui inspirera des écrivains comme Albert Camus ou Emmanuel Roblès et encourage l’essor d’une Algérie littéraire en aidant à la reconnaissance d’écrivains musulmans. Il rencontrera d’ailleurs Albert Camus pour la première fois en 1938 dans la librairie d’Edmond Charlot à Alger où ce dernier édite une collection intitulée « Méditerranéennes » dans laquelle, cette même année 38, Audisio publie La cage ouverte dont nous possédons un exemplaire dans nos fonds..
Le 8 mars 1928 Gabriel Audisio écrit ceci à Albert Flament : « […] je viens de lire vos charmants Tableaux d’Alger.[1] Ils me procurent par avance la joie de retrouver ma bonne ville et quelques amis. Ils me font regretter de ne vous avoir point connu là-bas pendant votre voyage. Tout ce que vous dites pour la municipalité est tristement vrai. C’est un massacre concerté, et je […] en fait, qu’au pas où vont les choses, Alger sera fichue dans 10 ans. »
Vingt-neuf ans plus tard, dans une autre lettre à Jean Ballard, un des pères des Cahiers du Sud, Gabriel Audisio raconte : “J’ai passé quelques jours à Alger, la nature était éblouissante de beauté. Mais je ne peux pas dire que j’ai fait provision d’optimisme ; tout cela finira par une issue fatale, mais dans les moins bonnes conditions pour ce que nous voudrions sauver, ce qui n’est pas gai… »
[1] Parus dans la Revue de Paris en mars 1928
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OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
ldiebold (30 juillet 2025). Dans nos archives il y a… l’amour de la Méditerranée. Les carnets de la Fondation des Treilles. Consulté le 8 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/14g6h











