Dans nos archives il y a… un mystère
Dans nos archives il y a… un mystère
Celui qui entoure une lettre de Paul Valéry conservée dans le fonds Albert Flament, écrivain et journaliste littéraire de son état, à qui nous devons cette correspondance variée avec écrivains et artistes de son siècle.
On ne présente plus Paul Valéry, poète et écrivain né à Sète en 1871 où il repose depuis son décès en juillet 1945 il y a tout juste 80 ans… Proche de Louÿs, de Jacques Rivière et d’André Gide c’est notamment à ce dernier qu’il dédicace La Jeune Parque, poème paru en 1917 à la Nouvelle Revue Française : « Depuis des années j’avais délaissé l’art des vers ; essayant de m’y astreindre encore, j’ai fait cet exercice que je te dédie. »
La lettre qui nous intéresse ici est datée de décembre 1925. Le destinataire n’est pas clairement précisé et c’est là que le mystère s’épaissit… L’échange commence ainsi : Mon cher, vous m’avez fait un si beau regard et mis dans l’œil un éclat si pur de glacier polaire que vous me donneriez l’idée d’en user et abuser, – s’il ne s’en fallait de quelque 20 ans que cet usage abusif pût me servir auprès des dames. »
Il s’agit donc pour Paul Valéry de remercier ici un critique (Albert Flament ?) ou l’auteur du tableau qu’il évoque quelques lignes plus bas : Mais enfin j’ai trouvé mon peintre ! Notre peintre est trouvé quand nous nous sentons le désir inavouable de ressembler au portrait qu’il a fait de nous.
Un indice nous est fourni pour identifier le peintre dont il est question : Merci, artiste. J’ai beaucoup aimé, tout à côté de moi, le morceau si délicat si bien composé, avec de si beaux noirs et je ne sais quelle harmonie à la Whistler que vous avez consacré à la reine Alexandra. Cela est poétique et juste, à ravir.
Quelques recherches suffisent pour identifier avec une quasi-certitude Jacques-Emile Blanche qui réalisa en 1923 un portait du poète. Artiste peintre, mais également écrivain, Jacques-Emile Blanche, personnage « incontournable » de la Belle Époque et de l’entre-deux-guerres, fut surtout reconnu en tant que portraitiste et il peignit aussi bien le Tout Paris et le Tout Londres, où il résidait très souvent, que l’élite artistique et littéraire de l’avant-garde de son époque.
Dans la correspondance Gide-Valéry publiée par Gallimard en 2009 Valéry écrit à son ami en mars 1918 : Je découvre Jacques-Emile [Blanche]. Il est bon comme du bon pain. Et il semble si heureux quand il a mis le doigt sur quelque plaie, qu’on l’embrasserait si cette idée pouvait venir.
La pratique du dessin et de la peinture a très tôt investi l’univers de notre poète. A l’âge de 20 ans seulement Paul publie Gloses sur quelques peintures-Musée de Montpellier. Suivront Introduction à la méthode de Léonard de Vinci en 1895 et la publication de Degas, Danse, Dessin chez Ambroise Vollard en 1936.
Toute sa vie Paul Valéry consignera ses réflexions sur l’art dans ses fameux Cahiers et dans nos archives nous conservons un carton d’invitation pour une Causerie sur le portrait donnée par le poète à l’occasion de l’exposition Portraits et figures de femmes Ingres à Picasso tenue à Paris en juin 1928 et dont le catalogue est préfacé par notre Albert Flament.
« Une œuvre d’art devrait toujours nous apprendre que nous n’avions pas vu ce que nous voyons. »
Photo 1: Jacques-Emile Blanche, Portrait de Paul Valéry, 1923, huile sur toile, Rouen, Musée des Beaux-arts © MG
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
ldiebold (11 juillet 2025). Dans nos archives il y a… un mystère. Les carnets de la Fondation des Treilles. Consulté le 10 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/14buy





