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Dans nos archives il y a… un écrivain révolté

Dans nos archives il y a… un écrivain révolté

Prière de m’incinérer. Dégoût. Ces mots sont les derniers écrits par René Crevel, 35 ans, avant son suicide le 18 juin 1935, il y a tout juste 90 ans…

Cet écrivain, d’abord dadaïste, (il participera notamment à la visite-promenade de l’église Saint-Julien-le-Pauvre à Paris en 1921 dont nous possédons le tract dans nos archives) est un personnage un peu à part dans la sphère surréaliste à laquelle il est affilié depuis le début du mouvement. D’origine bourgeoise, mais sans réelle appétence pour ce milieu, il est l’auteur de près de 300 articles, de nombreux pamphlets et tracts et de 11 ouvrages dont le premier, Détours, (un exemplaire avec envoi se trouve dans nos fonds), sera publié par Marcel Arland chez Gallimard en 1924. Une première œuvre où s’exprime la haine d’une mère qui garde « la tradition des housses sur les fauteuils et de l’ennui ».

Mais c’est surtout dans Le clavecin de Diderot, publié en 1932, au moment où le courant surréaliste est en plein remous, que se ressent cette révolte contre l’immobilisme intellectuel ambiant. Un travail d’analyse et d’introspection que René Crevel livre également au travers de correspondances, notamment dans des échanges avec Albert Flament et Jean Schlumberger conservés à la Fondation des Treilles.

Cet ensemble de lettres échangées avec nos deux auteurs a été étudié  par Alexandre Mare, critique d’art et commissaire d’exposition, lors d’un séjour à Tourtour, travail qui aboutira à une publication aux éditions de La Nerthe en 2016.[1]

Ce corpus permet de suivre l’itinéraire de l’écrivain sur une décennie très importante (1925-1935) et nous donne à comprendre ses combats idéologiques, comme la tentative avortée de réconciliation entre les communistes et les surréalistes notamment, mais également sa lutte de tous les jours contre la tuberculose qui ne lui laisse guère de répit depuis l’âge de 20 ans.

Dans cette correspondance l’on ressent d’ailleurs l’urgence de vivre. En septembre 1927 il écrit de Davos en Suisse à Albert Flament : Si dégoûté de ce pays que dès que j’ai reçu les épreuves de Babylone je pars pour Locarno. Ecrivez ici. On fera suivre. Je ne sais ce que je ferai de ma carcasse cet hiver. Ici on m’avait parlé de six mois de soins, puis d’un an. Maintenant on me dit qu’en mai prochain je pourrai descendre à Paris [mais] que je ne serai point guéri. Et en 1929 au même : « La vie est loin. La vie telle que je l’imaginais, telle que je l’aurais aimée, n’est plus pour moi. J’accepte le néant de ma destinée. […] Je voudrais avoir un grand bonheur, une œuvre à accomplir, très vite, très fort et mourir bientôt.

Quant aux  échanges avec Jean Schlumberger ils sont souvent en rapport avec la NRF et l’actualité littéraire. Ainsi en août 1925 René Crevel écrit à l’oncle de notre fondatrice : Entre parenthèse je n’ai pas aimé (lisez j’ai détesté) l’article de Drieu dans la NRF. Le mot « on vivote » m’a dégouté. Pourquoi faut-il que ce garçon en qui j’avais aimé l’ardeur, soit à ce point privé du sens et de tout du mystère. I Il fait référence ici à l’article « La véritable erreur des surréalistes » qui mettra fin à l’amitié entre les surréalistes et Drieu.

En mai 1926 notre écrivain révolté remercie Jean Schlumberger pour la note de la NRF que ce dernier consacre à Mon corps et moi, paru l’année précédente et où s’affirme sa volonté de transformation du monde. Les regards d’intelligences de nos amis, de ceux qui comprennent si vivement pour une seconde vie (j’entends une vie d’où sortira quelque chose) l’amas de mots devenus de plus en plus étrangers, selon le recul dans le temps, de l’inspiration.

Dans son ouvrage La sagesse n’est pas difficile Alexandre Mare pointe une certaine similitude entre cet ouvrage de René Crevel et celui de Jean Schlumberger Les yeux de 18 ans, recueil paru en 1928, où l’auteur utilise lui-aussi des monologues intérieurs pour faire une sorte d’introspection de lui-même

Quelques années plus tard Jean Schlumberger, dans une note de lecture conservée dans nos archives à propos de l’ouvrage de René Crevel Êtes-vous fous ? paru en 1929, se montrera plus critique en traitant le récit de […] triste pâte [qui] ne vaut que par quelques amandes qu’on y croque de temps en temps…

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[1] Alexandre Mare. La sagesse n’est pas difficile. Editions de la Nerthe, 2016.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
ldiebold (27 juin 2025). Dans nos archives il y a… un écrivain révolté. Les carnets de la Fondation des Treilles. Consulté le 16 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/1487g