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Dans nos archives il y a… le père de Poil de Carotte

L’enfance de Jules Renard c’est un grand silence roux et ce sont ces débuts difficiles dans la vie qui sont relatés dans Poil de Carotte, récit largement autobiographique, qui fit le succès littéraire de son auteur mais fut également son grand empêchement.

Né en 1864 et disparu en mai 1910 Jules Renard donnera toute sa vie l’impression d’être frustré, coincé d’abord entre deux parents mal aimants puis peinant à trouver sa place dans un environnement littéraire foisonnant.

Le personnage de Poil de Carotte, publié en 1894, apparait dès 1890 dans Sourires pincés, premier ouvrage en prose de l’auteur, recueil de contes et fragments précédemment révélés dans la presse comme il était coutumier de procéder à cette époque.

Mais l’œuvre de Jules Renard ne peut être réduite à ce seul roman. Elle est beaucoup plus variée et ambitieuse.

Après des études au lycée Charlemagne à Paris Jules prépare l’Ecole normale supérieure mais y renonce finalement et se lance dans la littérature. Il publiera un recueil de vers sans grande envergure, vers qu’il déclame dans les salons, et quelques nouvelles réalistes qui ne lui permettent pas de vivre décemment de sa plume. Son mariage en 1888 avec Marie Morneau lui assure une certaine stabilité financière et va marquer le début d’une grande production. C’est avec la publication de L’écornifleur en 189, histoire d’un littérateur parasite, que commence véritablement sa carrière d’écrivain. Actionnaire du Mercure de France, où il occupe le poste de rédacteur en chef, Il fréquente alors les Goncourt, Marcel Proust, Lucien Guitry, Marcel Schwob ou André Gide qui semble éprouver pour lui une certaine tendresse. L’auteur des Caves du Vatican fait sa connaissance dès 1891 et lui assure une certaine visibilité au travers de critiques publiées dans la Nrf sous la plume notamment de Marcel Drouin. Dans le numéro 12 de la revue L’Ermitage de décembre 1901 Gide dit de lui : Je ne crois pas avoir encore eu l’occasion de dire combien j’admire Jules Renard. Je l’admire comme s’il était mort, – tant je suis étonné qu’on écrive si bien aujourd’hui. Je le relis comme un classique. Peu m’importe si, dans le cours du livre, de ci de là je trouve quelques petits morceaux moins bons.

Jean Schlumberger se montre, lui, plus circonspect. Dans ses notes de 1909 il étrille quelque peu sa Bigote, pièce de théâtre parue la même année :

A ses dépens, M. Jules Renard aura appris qu’on ne laisse pas impunément un « grand sujet » faire irruption dans une comédie. La thèse accapare l’attention, déchaîne un grand tapage de louanges et de blâmes ; les articles cléricaux répondent aux francs-maçons. Je sais bien que cela fait de la réclame mais pour tout le monde, sauf pour la pièce. Celle-ci a disparu. Le « grand sujet » a mangé la petite comédie.

Qu’importe… Outre Gide Jules Renard s’entoure d’admirateurs de renom, Colette tout d’abord, qui deviendra une amie, ou encore Marcel Proust qui dira de lui à propos d’Histoires naturelles publiées en 1896 : « Il est admirable parce qu’il ne cherche pas d’échappatoires, au contraire de presque tous ceux qui  ne pouvant approfondir leur sensation, au lieu d’insister, de chercher ce qu’il y a dedans, ne s’obstinent pas, glissent ailleurs, ne peuvent y pénétrer davantage et, de ratages  en ratages, finissent par couvrir une immense circonférence, croient que cela finit par être plus beau que, d’un point quelconque, avoir su descendre au centre. » Dans Histoires naturelles, Jules Renard exprime son amour pour la nature et les animaux, en décrivant avec humour et poésie les mœurs et les caractères des bêtes.

Un autre de ses alliés, moins connu peut-être, est Alfred Capus, journaliste au Figaro, romancier et dramaturge comme lui. Dans une lettre de nos fonds adressée à Albert Flament en 1899 Jules Renard évoque le soutien de celui-ci et fait part de cette admiration réciproque : « J’aime beaucoup Capus et je serais très heureux de vous le faire rencontrer. »

Le Journal de Jules Renard, publié à titre posthume, décrit toute une époque. Le diariste y parle de lui, des autres, du temps qui passe, avec une douce ironie, une tendre férocité. Il est sans concessions à son propre égard et se décrit comme un « Maupassant de poche » ou un « Loti cantonal »…

«Je ne réponds pas d’avoir du goût, disait-il, mais j’ai le dégoût très sûr.» 

Jules Renard sera élu membre de l’Académie Goncourt le 31 octobre 1907, au fauteuil de Huysmans grâce, là encore, à l’intervention d’Octave Mirbeau qui menaça de démissionner pour assurer son succès.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
ldiebold (30 avril 2025). Dans nos archives il y a… le père de Poil de Carotte. Les carnets de la Fondation des Treilles. Consulté le 18 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13ufq