“Pour la petite histoire”. Théorie et pratique de l’anecdote en art et histoire de l’art
Résidence de recherche organisée par Deborah Laks du 21 au 26 octobre 2024
Participants
Déborah LAKS (CNRS, Centre Roland Mousnier – Paris, France), Emmanuel GUY (Lycée Suger – Saint-Denis, France).
Résumé

Honoré Daumier, Crispin et Scapin, années 1860, huile sur toile, 61 x 82 cm. Paris, Musée d’Orsay.
L’attention est souvent captée par des pas de côté : dans le continuum d’un récit, la cohérence d’une démarche, d’un discours, l’anecdote – « récit bref d’un petit fait curieux » – fait événement, arrête le regard, surprend et stimule la curiosité. La liberté de ton qui caractérise les anecdotes permet à des sujets méjugés d’apparaître aux marges de l’histoire, et ainsi de se rendre visibles tout en remodelant la discipline elle-même et ses objets d’étude. Il s’agit pour nous d’embrasser le bouleversement des valeurs qui se joue dans l’anecdote ; d’y voir à la fois une source et un outil pour l’histoire de l’art.
Summary
Attention is often captured by sidesteps: in the continuum of a narrative, the coherence of an approach, of a discourse, the anecdote – “a brief account of a small, curious fact” – creates an event, arrests the gaze, surprises and stimulates curiosity. The freedom of tone that characterizes anecdotes allows misjudged subjects to appear on the margins of history, and thus to become visible while reshaping the discipline itself and its objects of study. For us, it is a question of embracing the upheaval of values that is played out in the anecdote; of seeing it as both a source and a tool for the history of art.
Compte-rendu
Notre projet pour la Fondation des Treilles s’inscrivait dans le cadre de recherches communes menées pour le séminaire que nous codirigions à l’École des Beaux-arts de 2022 à 2024. Au cours de ces deux années nous avons écouté et dialogué avec des artistes, des critiques d’art, des chercheurs et chercheuses en histoire de l’art mais aussi en anthropologie, en histoire, en sociologie, des psychanalystes, des commissaires d’exposition.
A la Fondation des Treilles nous souhaitions démarrer le travail sur un ouvrage collectif. Au terme de ces deux années de recherches collectives et préparatoires, il nous est en effet apparu que le retour à l’anecdote qui s’opère aujourd’hui dans la création artistique et dans les sciences humaines et sociales constitue un moment épistémologique à part entière. À partir d’œuvres, d’artistes, et de démarches de recherche spécifiques, nous souhaitons éclairer les implications de l’usage actuel de l’anecdote, notamment en ce qui concerne les méthodes, leur inscription dans le sensible, leurs modalités d’expression et de transmission. Le travail heuristique de savoirs d’ordre mineur est en effet à l’origine d’un tournant de l’art, de l’histoire de l’art, et des sciences humaines dont il est aujourd’hui nécessaire d’évaluer l’effet sur nos pratiques et nos conceptions.
Le travail s’est organisé en trois étapes : un bilan des séminaires et un bilan historiographique, la mise au point d’un sommaire, et la rédaction à quatre mains d’un premier jet de l’introduction.
Le bilan historiographique et le bilan des séminaires nous a permis d’établir une liste d’études de cas à partir desquelles penser une histoire contemporaine de la notion et de son recours artistique, et d’en identifier les généalogies et les spécificités. Nous avions déjà identifié, avec des intervenantes du séminaire, l’importance d’un mouvement comme le New Narrative Movement. Aux Treilles, nous avons mis ce mouvement en perspective d’une histoire plus large de l’anecdote à la lumière notamment de l’évolution de la notion d’intime et de son usage théorique et politique.
La manière dont l’art le plus contemporain s’empare de l’anecdote, par une certaine figuration par exemple, ou par le recours à l’écrit, nous a ainsi permis d’expliciter un certain nombre de tendances significatives.
Sur cette base, nous avons établi un sommaire, en incluant une partie des participant.e.s au séminaire et des personnalités invitées. Nous avons établi cinq parties, qui seront chacune ouvertes par un entretien avec une personnalité, chercheur, chercheuse ou artiste, faisant un usage particulier de l’anecdote dans sa pratique originale.
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- L’anecdote comme outils de renouveau de l’histoire de l’art. Dans cette partie nous étudierons la manière dont l’anecdote influe sur l’écriture de l’histoire de l’art, sur la question de ses mythes, mais aussi sur des types de recherches spécifiques, comme celles sur les bien spoliés, ainsi que sur des méthodologies plus larges, comme l’histoire de l’art féministe ou queer.
- L’anecdote dans les sciences humaines. (Littérature, histoire, anthropologie, psychanalyse)
- L’anecdote comme outil de médiation. Nous interrogeons ici le rôle de l’anecdote dans nos rencontres avec les œuvres, dans les musées, galeries, les archives, au travers de la critique d’art, ou de l’enseignement.
- Études de cas. Ces dernières concernent des mouvements, des œuvres et des artistes des années 1980, moment où se jettent les bases d’un tournant anecdotique.
- Œuvres, objets, expositions. Les productions les plus récentes réunies dans cette partie utilisent consciemment l’anecdote en se référant à l’arrière-plan théorique et historique exposé dans les parties précédentes.
Enfin nous avons rédigé un premier jet de l’introduction durant la dernière journée de travail aux Treilles, dans des conditions idéales pour l’écriture à quatre mains, toutes nos lectures et réflexions récentes aisément mobilisables.
Le travail que nous avons mené aux Treilles se poursuit et aboutira en 2026 à une publication collective.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
ldiebold (10 avril 2025). “Pour la petite histoire”. Théorie et pratique de l’anecdote en art et histoire de l’art. Les carnets de la Fondation des Treilles. Consulté le 25 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13pyq